Acquisitions 2013


 

MATTHIEU ROSIER

Quelque part le long du mur de l'Atlantique,2010-2012

Quelque part le long du mur de l'Atlantique::Matthieu Rosier, photographie, 2010-12. Achat avec l'aide du FRAM

Dans la série Quelque part le long du mur de l'Atlantique, initiée en 2010, Matthieu Rosier élève à l'ENSP d'Arles prend comme sujet la topographie particulière du territoire normand, marquée par les combats et les débarquements de la Seconde Guerre Mondiale. Au monument physique qu'il saisit – barge de débarquement, blockhaus ou bunker – succède alors la photographie, qui devient elle-même monument par sa capacité à rendre visible ce que les hommes ne voient plus. Elle donne à voir une réalité devenue immatérielle, de l'ordre du souvenir.
L'acquisition de trois images de cette série est intéressante à plus d'un titre dans le développement de la collection photographique du musée Réattu. Elle vient d'abord développer sous un angle nouveau le lien créé avec les étudiants de l'ENSP : le musée a acquis plusieurs œuvres de jeunes diplômés au cours des dix dernières années, de Sun Yung Ha en 2004 à Sterenn Donnio en 2012, mais jusqu'ici uniquement en vidéo. L'acquisition de photographies, qui plus est d'un étudiant en cours de cursus, est ainsi une première et souligne l'attention du musée à l'éclosion de jeunes talents sur la scène artistique locale.
Ces photographies représentent par ailleurs un écho intéressant à d'autres images déjà présentes dans les collections : la série des Forteresses du dérisoire de Jean-Claude Gautrand (1973-1974), prenant elles aussi pour figures les blockhaus du Mur de l'Atlantique. Ces photographies relèvent certes d'une esthétique radicalement différente – le choix du noir et blanc, de contrastes puissants aiguisés par la lumière intense des plages des Landes ou de Camargue – mais expriment la même double-identité de ces constructions dans le paysage, à la fois physique et mémorielle.

YVES TREMORIN

Electronogramme#1 (la mouche)
Electronogramme#7 (coléoptère/nuée)

 

 
Les recherches sur la « matière photographique » d'Yves Trémorin le conduisent presque naturellement à l'image électronique. Celle-ci n'est pas une photographie (qui fait appel à la lumière visible: photons) mais une cartographie de l'échantillon balayé par un faisceau d'électrons. Nous sommes dans le domaine de la réémission de particules et non plus du rayonnement.
Les images d'Yves Trémorin rejoignent dans les collections du musée Réattu, celles d'autres photographes en quête d'images « non photographiques » et/ou sans appareil, comme les rayogrammes de Brassaï ou les chimigrammesde Pierre Cordier. La différence essentielle tient au fait que les images d'Yves Trémorin sont créées sans air et surtout sans lumière, véritable paradoxe par rapport à la photographie du point de vue lexical même. Le musée a  sélectionné deux électronogrammes : Electronogramme # 1 (la mouche) et Electronogramme # 7 (coléoptère/nuée). La dimension philosophique des ces œuvres nous renvoie au monde des Vanités au sens hollandais du terme. Yves Trémorin nous parle de mort, endormissement pour La mouche, violente et brutale pour Le coléoptère.

CHRISTINE CROZAT

Donation Pascale Triol

 

Pascale Triol, est autant une collectionneuse qu'une vraie connaisseuse d'art contemporain. De passage au musée Réattu au cours de l'été 2012, elle a la possibilité de voir exposées plusieurs oeuvres de Christine Crozat. Guidée depuis quelques temps par l'idée de se « dessaisir », selon sa propre expression, d'une partie de sa collection son choix se porte sur le musée Réattu pour en bénéficier. Le parti pris d'une sélection resserrée et non d'une donation de la totalité de ses œuvres de Crozat s'est vite imposé, afin d'assurer la cohérence entre ces pièces nouvelles et celles déjà présentes dans les collections du musée. Quatre œuvres ont ainsi été sélectionnées: deux dessins et deux ensembles d'objets.
- La notion de vanité, qui imprègne globalement toute la production de l'artiste, n'est pourtant jamais aussi clairement évoquée que dans ce Crâne, dont le dessin quasi-abstrait laisse tout de même une grande élasticité d'interprétation, précieuse pour les futurs accrochages du musée :
La Mule à hauteur de Leader Price, perdue sur une autoroute en direction de Chambéry, rappelle à quel point le voyage et le déplacement sont au cœur de son travail, qui se nourrit des visions fugaces qu'elle tente par la suite de retranscrites dans des dessins entre présence et absence.
Les Sandales de saint Césaire, au nombre de trois – soulignant l'absence de la dernière pour mieux révéler leur caractère sacré – reviennent dans la ville qui conserve toujours, dans les réserves du musée archéologique, les reliques d'origine de cet évêque d'Arles au VIe siècle ;
- Enfin les Patins de Monsieur Van Eyck, qui relèvent du même rapport à l'histoire de la peinture que les Coiffes d'Arlésiennes, rappellent aussi l'intérêt de l'artiste pour les peintres hollandais : l'importance du détail, le goût de la nature morte et des vanités.

JEAN-BAPTISTE CARON

A l'aplomb des hauteurs
Le petit attracteur

 

A l'aplomb des hauteurs, Le petit attracteur::Jean-Baptiste Caron, sculptures, 2012. Achat avec l'aide du FRAM

Le travail de Jean-Baptiste Caron, récent lauréat du prix Boesner de la Jeune Création, est tout entier suspendu à la dialectique entre art et science.
Dans l'œuvre, intitulée Le petit attracteur – le titre fait directement référence au Grand attracteur, un amas de galaxies et de matières constitué par l'attraction des masses de l'univers – l'artiste fait référence à un effet mécanique insolite traduisant, selon lui, les effets de la force gravitationnelle sur son corps : chaque jour, son nombril accumule des fibres et des poussières produisant de petites pelotes, qui portent même un nom scientifique : peluca umbilicus (peluche de nombril). Il a extrait une de ces pelotes pour la faire reposer au fond d'un orifice creusé dans une masse de béton, où un jeu de miroirs crée l'illusion optique de son flottement à la surface.
Dans un autre travail entre sculpture et installation, A l'aplomb des hauteur, l'artiste prolonge ce questionnement de la gravité en le rapprochant de la notion de verticalité, qui reste un des fondements premiers du rapport physique de l'homme au monde. L'œuvre semble se poser comme une traduction matérielle de cette force en recourant au motif du fil à plomb, instrument de mesure absolu de la rectitude. Jouant encore sur la dialectique du lourd et du léger – le poids en plomb est ici remplacé par un poids fait d'une accumulation de poussière Jean-Baptiste Caron établit ainsi une connexion permanente entre le macrocosmique – l'univers et ses lois – et le microcosmique – le corps humain dans ce qu'il a de plus intime et charnel.

ARNAUD VASSEUX

Creux

 

Professeur de sculpture et de volume à l'école des Beaux-arts de Nîmes, rompu à l'expérimentation de techniques et de matériaux divers qu'il choisit le plus souvent pour leur capacité à changer d'état – liquide, solide, gazeux –, Arnaud Vasseux connaît par cœur la rhétorique classique du moulage, du positif / négatif, de la forme et de la contre forme.
L'idée du moule, technique traditionnelle de la sculpture, est à l’origine d'une série de dix pièces, chacune éditée à un exemplaire unique, produites au Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts plastiques de Marseille en 2011.
Moulées à l'intérieur de la main, ces Creux de verre renvoient tout autant à l'outil du maître-verrier qu'au geste primaire de contenir une matière dans sa main : l'eau qui s'échappe avant d'être portée à la bouche, le sable écoulé symbolisant le temps qui passe, sur lequel nous n'avons pas de prise. Deux temporalités différentes se fondent alors dans un même objet.

JOCELYNE ALLOUCHERIE

Terre de sable 

  Jocelyne Alloucherie, Terre de sable

Issue d'une série dont les éléments peuvent être présentés en série ou individuellement, Terre de Sable associe un savoir-faire traditionnel de la photographie argentique et des techniques de pointe de l'enregistrement et de l'impression numérique. D'après le négatif argentique d'une photographie de nuage qu'elle numérise, elle tire une image très grand format sur laquelle l'artiste souffle du sable naturel du fleuve Saint-Laurent, près duquel elle vit. Blanc, noir ou rouge selon les lieux de collecte, le sable est soufflé à la manière du vent qui agit sur la matière.
La composition photographie / sable est ensuite captée en haute résolution sur de très grands scanners, qui donnent l'échelle des toiles, pour obtenir l'image finale : l'image d'un dessin en principe éphémère, empreint des mouvements d'un corps mobile, fixé par l'impression numérique.
Avec Terre de Sable, le musée prolonge sa recherche sur les différentes formes de la photographie plasticienne, qui constitue un axe fort de la collection représentée par d'autres artistes, de Corinne Mercadier à Dieter Appelt.